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militaire décoré qui peut-être se promenait sur le boulevard. En ce moment, une femme parut sur le seuil de
la porte après avoir fait entendre le murmure de sa robe dans l'escalier et ce léger pas féminin si facile à
reconnaître. Elle était assez jolie.
- Monsieur, dit-elle à Lucien, je sais pourquoi vous vantez tant les chapeaux de mademoiselle Virginie,
et je viens vous demander d'abord un abonnement d'un an ; mais dites-moi ses conditions...
- Madame, je ne suis pas du journal.
- Ah !
- Un abonnement à dater d'octobre ? demanda l'invalide.
- Que réclame madame ? dit le vieux militaire qui reparut.
Etudes de moeurs. 2e livre. Scènes de la vie de province. T. 4. Illusions perdues. 2. Un grand homme de pro
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Illusions perdues. 2. Un grand homme de province à Paris
Le vieil officier entra en conférence avec la belle marchande de modes. Quand Lucien, impatienté
d'attendre, rentra dans la première pièce, il entendit cette phrase finale : - Mais je serai très-enchantée,
monsieur. Mademoiselle Florentine pourra venir à mon magasin et choisira ce qu'elle voudra. Je tiens les
rubans. Ainsi tout est bien entendu : vous ne parlerez plus de Virginie, une saveteuse incapable d'inventer
une forme, tandis que j'invente, moi !
Lucien entendit tomber un certain nombre d'écus dans la caisse. Puis le militaire se mit à faire son
compte journalier.
- Monsieur, je suis là depuis une heure, dit le poète d'un air assez fâché.
- Ils ne sont pas venus, dit le vétéran napoléonien en manifestant un émoi par politesse. Ca ne m'étonne
pas. Voici quelque temps que je ne les vois plus. Nous sommes au milieu du mois, voyez-vous. Ces lapins-là
ne viennent que quand on paye, entre les 29 et les 30.
- Et monsieur Finot ? dit Lucien qui avait retenu le nom du directeur.
- Il est chez lui, rue Feydeau. Coloquinte, mon vieux, porte chez lui tout ce qui est venu aujourd'hui en
portant le papier à l'imprimerie.
- Où se fait donc le journal ? dit Lucien en se parlant à lui-même.
- Le journal ? dit l'employé qui reçut de Coloquinte le reste de l'argent du timbre, le journal ? ...
broum ! broum ! Mon vieux, sois demain à six heures à l'imprimerie pour voir à faire filer les porteurs. Le
journal, monsieur, se fait dans la rue, chez les auteurs, à l'imprimerie, entre onze heures et minuit. Du temps
de l'Empereur, monsieur, ces boutiques de papier gâté n'étaient pas connues. Ah ! il vous aurait fait secouer
ça par quatre hommes et un caporal, et ne se serait pas laissé embêter comme ceux-ci par des phrases. Mais,
assez causé. Si mon neveu y trouve son compte, et que l'on écrive pour le fils de l'autre, broum ! broum !
après tout, ce n'est pas un mal. Ah çà, les abonnés ne m'ont pas l'air d'arriver en colonne serrée : je vais
quitter le poste.
- Monsieur, vous me paraissez être au fait de la rédaction du journal.
- Sous le rapport financier, broum ! broum ! dit le soldat en ramassant les phlegmes qu'il avait dans le
gosier. Selon les talents, cent sous ou trois francs la colonne, cinquante lignes à soixante lettres sans blancs,
voilà. Quant aux rédacteurs, c'est de singuliers pistolets, de petits jeunes gens dont je n'aurais pas voulu pour
des soldats du train, et qui, parce qu'ils mettent des pattes de mouche sur du papier blanc, ont l'air de mépriser
un vieux capitaine des dragons de la Garde Impériale, retraité chef de bataillon, entré dans toutes les capitales
de l'Europe avec Napoléon...
Lucien, poussé vers la porte par le soldat de Napoléon, qui brossait sa redingote bleue et manifestait
l'intention de sortir, eut le courage de se mettre en travers.
- Je viens pour être rédacteur, dit-il, et vous jure que je suis plein de respect pour un capitaine de la
Garde Impériale, des hommes de bronze...
- Bien dit, mon petit pékin, reprit l'officier en frappant sur le ventre de Lucien ; mais dans quelle classe
de rédacteurs voulez-vous entrer ? répliqua le soudard en passant sur le ventre de Lucien et descendant
l'escalier. Il ne s'arrêta que pour allumer son cigare chez le portier. - S'il vient des abonnements, recevez-les
et prenez-en note, mère Chollet. Toujours l'abonnement, je ne connais que l'abonnement, reprit-il en se
tournant vers Lucien qui l'avait suivi. Finot est mon neveu, le seul de la famille qui m'ait adouci ma position.
Etudes de moeurs. 2e livre. Scènes de la vie de province. T. 4. Illusions perdues. 2. Un grand homme de pro
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Illusions perdues. 2. Un grand homme de province à Paris
Aussi quiconque cherche querelle à Finot trouve-t-il le vieux Giroudeau, capitaine aux dragons, parti simple
cavalier à l'armée de Sambre-et-Meuse, cinq ans maître d'armes au premier hussards, armée d'Italie ! Une,
deux, et le plaignant serait à l'ombre ! ajouta-t-il en faisant le geste de se fendre. Or donc, mon petit, nous
avons différents corps dans les rédacteurs : il y a le rédacteur qui rédige et qui a sa solde, le rédacteur qui
rédige et qui n'a rien, ce que nous appelons un volontaire ; enfin le rédacteur qui ne rédige rien et qui n'est
pas le plus bête, il ne fait pas de fautes celui-là, il se donne les gants d'être un homme d'esprit, il appartient au
journal, il nous paye à dîner, il flâne dans les théâtres, il entretient une actrice, il est très-heureux. Que
voulez-vous être ?
- Mais rédacteur travaillant bien, et partant bien payé.
- Vous voilà comme tous les conscrits qui veulent être maréchaux de France ! Croyez-en le vieux
Giroudeau, par file à gauche, pas accéléré, allez ramasser des clous dans le ruisseau comme ce brave homme
qui a servi, ça se voit à sa tournure. Est-ce pas une horreur qu'un vieux soldat qui est allé mille fois à la
gueule du brutal ramasse des clous dans Paris ? Dieu de Dieu, tu n'es qu'un gueux, tu n'as pas soutenu [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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