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cappitaine s'il avoit parlé à Jesus, &il respondist que ses prebstres y avoient parlé, & qu'il feroit beau temps.
Desquelles parolles remercierent le dict cappitaine, &se retirent dedans le boys dire les nouvelles aux aultres,
qui sortirent dudict boys tout incontinent faignans estre joyeulx desdictes parolles par ledict cappitaine ainsi
dictes. Et pour monstrer qu'ilz en estoient joyeulx, tous incontinent qu'ilz furent devant les navires
commencerent d'une commune voix a faire trois criz &hurlemens, qui est leur signe de joye, &se prindrent a
danser &chanter, comme avoient de coustume: mais pour resolution lesdictz Taignoagny &Dom agaya dirent
à nostre dict cappitaine, que le dict seigneur Donnacona ne vouloit point que nul d'eulx allast à Hochelaga
avec luy, S'il ne bailloit plege qui demourast à terre avec ledict Donnacona. Le cappitaine leur respondist que
s'ilz n'estoient deliberez y aller de bon couraige qu'ilz demourassent, &que par eulx ne laisseroit mettre paine
y aller.
Comment nostre cappitaine &tous les gentilz hommes avec cinquante hommes mariniers partirent de la
province de Canada avec le gallyon, & les deux barques, pour aller à Hochelaga, &de ce que fut veu entre
deux sur ledict fleuve.
Le lendemain, 19e jour dudict moys de Septembre, nous appareillasmes & feismes voylle avec le dict gallyon
&les deux barques, pour aller avec la marée amont ledict fleuve, ou trouvasmes à veoir des deux costez
d'icelluy les plus belles &meilleures terres, qu'il soit possible de veoir. Aussi vives que l'eaue plaine des
beaulx arbres du monde: &tant de vignes chargez de raisins le long dudict fleuve, qu'il semble mieulx qu'elles
ayent esté plantez de main d'homme que aultrement: mais par ce qu'elles ne sont cultivez ne taillez, ne sont les
raisins si [Page 20] groz &si doulx que les nostres: pareillement trouvasmes beaucoup de maisons sur ledict
fleuve, le lesquelles sont habitees de gens qui font grande pescherie de tous poissons: lesquelles gens venoient
à noz navires d'aussi grand amour &privaulte, que si eussions esté du pays, Nous apportant force poisson, &de
ce qu'ilz avoient pour avoir de nostre marchandise tendans les mains au ciel, &faisans plusieurs signes de
joye. Et nous estans posez environ ving cinq lieues de Canada en ung lieu nommé Ochelay, qui est ung
destroict dudict fleuve fort courant &dangereux, tant de pierres que d'aultres choses vindrent plusieurs barques
à bort, Et entre aultres, y vint ung grand seigneur du pays, lequel faisoit un grand sermon en venant &arrivant
à bort, monstrant par signes evidens avec les mains &aultres cerimonies, que le dict fleuve estoit ung peu plus
avant fort dangereux, nous advertissant de nous en donner garde. Et presenta celuy seigneur au cappitaine
deux de ses enfans, desquelz le cappitaine print une fille de l'aage d'environ sept a huit ans, &reffusant ung
garson de deux ou trois ans, par ce qu'il estoit trop petit, Le dict cappitaine festoya le dict seigneur & sa bande
de ce qu'il peust, &luy donna aucun petit présent: puis s'en allerent à terre. Et depuis sont venus celuy seigneur
&sa femme veoir leur fille jusques à Canada &apporter aucun present au cappitaine, Depuis le 19e jour
jusques au 28, dudict moys nous avons esté navigans a mont ledict fleuve sans perdre heure ny jour, durand
lequel temps avons veu &trouvé d'aussi beau pays &terres aussi unyes que l'on scauroit desirer, plaine comme
dict est des beaulx arbres du monde, scavoir chesnes, hormes, noyers, cedres, pruches, fresnes, briez, sandres,
oziers, &force vignes. Lesquelles avoient si grand habondance de raisins, que les compaignons en venoient
chargez à bort. Il y a seulement force grues, signes, oultardes, oyes, cannes, allouettes, faisans, perdrix,
merles, mauvis, teurtres, chardonnereulx, serins, roussignolz, passes solitaires, &aultres oyseaulx, comme en
France, & en grand habondance.
Ledict 18e jour de septembre nous arrivasmes en ung grand lac &playne dudict fleuve, large d'environ cinq ou
six lieues, &douze de long, Et navigasmes celluy jour amont sans y trouver partout icelluy que deux brasses
de parfond esgallement sans haulser ny baisser. Et nous arrivans a l'ung des boutz dudict lac, ne nous
apparoissoit aucun [Page21] passaige n'y sortye: Ains sembloit icelluy estre tout cloz sans aucune riviere, &ne
AU ROY Treschretien. 21
Voyage de J. Cartier au Canada
trouvasmes audict bout que brasse &demie, dont nous convint poser &mettre l'ancre hors, &aller chercher
passage avec les barques: &trouvasmes qu'il y a quatre ou cinq rivieres toutes sortantes dudict fleuve en
icelluy lac, &venant dudict Hochelaga: mais en icelluy ainsi sortantes, y a barres &traverses faictes par le
cours de l'eaue, ou il n'y avoit pour lors que une brasse: Et lesdictes barres passees y a quatre ou cinq brasses,
qui estoit le temps des plus petites eaues de lannée, ainsi que nous vinsmes par les flotz des dictes eaues
qu'elles croissent de plus de trois brasses de pic, toutes icelles rivieres circuysent &environnent cinq ou six
belles ysles, qui sont le bout dudict lac: puis se rassemblent environ quinze lieues à mond toutes en une. Celuy
jour feusmes à l'une d'icelles, ou trouvasmes cinq hommes qui prenoient des bestes sauvaiges: lesquels
vindrent aussi privement à noz barques, que s'ilz nous eussent veu toute leur vie sans avoir peur ne craincte,
&nosdictes barques arrivez à terre, l'un d'iceulx hommes print nostre cappitaine entre ses bras, &le porta à
terre aussy legierement que sy feust esté ung enfant de cinq ans, tant estoit icelluy homme grand &fort. Nous
leur trouvasmes ung grand mouceau de raz sauvaiges: lesquelz vivent en l'aue, &sont gros comme connyns, &
bons à merveilles. Desquelz feirent present à nostre cappitaine, qui leur donna des couteaulx, &patenostres
pour recompence. Nous leur demandasmes par signe, si c'estoit le chemin de Hochelaga: Ilz nous monstrerent
que ouy, &qu'il y avoit encores trois journees à y aller.
Comment le cappitaine feist accoustrer les barques pour aller audict Hochelaga, &laisserent le gallyon pour
la difficulté du passaige: & comment nous arrivasmes audit Hochelaga, &le racueil que le peuple nous feist à
nostre arrivée.
Le lendemain nostre cappitaine voyant qu'il n'estoit possible povoyr pour lors passer le dict gallyon, feist
advictailler &accoustrer les barques, &mettre victuailles pour le plus de temps qu'il feust possible, &que
lesdictes barques en peurent accueillir, &se partit avecques icelle accompaigné des gentilz hommes: scavoir
Claude [Page 22] du pont grand echanson de monseigneur le Dauphin. Charles de la Pommeraye, Jehan
gouion, Jehan poullet, avec vingt huict marinyers, y comprins Mace jallobert &Guillaume le breton, ayans la
charge soubz le cappitaine des deux autres navires, pour aller amond ledict fleuve, au plus loing qu'il nous
seroit possible. Et navigasmes de temps à gré jusques au dixneufiesme jour d'Octobre, que nous arrivasmes [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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