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ressemblait à une léthargie complète.
Jugeant avec raison qu'ils ne pouvaient rien faire de mieux que de rentrer au plus vite, ses
sauveurs reprirent les avirons et poussèrent activement vers la passe. Ils y arrivèrent bientôt,
et, favorisés par la brise, furent en très peu de temps rentrés à Noroë.
Maaster Hersebom, transporté dans son lit et couvert de compresses d'arnica Montana,
lesté d'un bouillon et d'un verre de bière, reprit décidément connaissance. Il n'avait rien de
grave qu'une fracture de l'avant-bras et des contusions ou des coupures sur tout le corps. Mais
M. Malarius n'en exigea pas moins qu'il restât en repos et ne se fatiguât pas à parler. Il
s'endormit paisiblement.
Le lendemain seulement, on lui permit d'ouvrir la bouche et d'expliquer en quelques mots
ce qui lui était arrivé.
Surpris par le cyclone au moment où il hissait sa voile pour rentrer à Noroë, Hersebom
avait été jeté contre les récifs de l'îlot, où son bateau s'était brisé en mille pièces, aussitôt
emportées par la tempête. Lui-même, il s'était jeté à la mer un instant avant le désastre pour
échapper à cet épouvantable choc. Mais peu s'en était fallu qu'il ne fût brisé sur les roches, et
c'est avec mille peines qu'il était arrivé à se traîner hors de la portée des lames. Epuisé de
fatigue, un bras cassé, tout le corps couvert d'ecchymoses, il était resté sans force et n'avait
plus conscience de la manière dont il avait passé ces vingt heures d'attente, allant sans doute
d'un accès de fièvre à un évanouissement.
Maintenant il se voyait hors d'affaire, mais ce fut pour commencer à se désoler sur la perte
de son embarcation et sur son bras immobilisé entre deux éclisses. Qu'allait-il devenir, même
en admettant qu'il pût encore se servir de ce bras après huit ou dix semaines de repos ? Le
bateau était l'unique capital de la famille, et ce capital venait de disparaître sous un souffle de
vent ! Travailler au compte des autres était bien dur à son âge ! Et trouverait-il seulement du
travail ? C'était au moins douteux, car personne à Noroë n'occupait d'auxiliaires, et l'usine
elle-même avait dû récemment réduire son personnel.
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L épave du Cynthia Jules Verne
Telles étaient les amères réflexions de maaster Hersebom, tandis qu'il gisait sur son lit de
douleur, et surtout quand, une fois remis sur pied, il lui fut possible de s'asseoir dans un grand
fauteuil, le bras en écharpe.
En attendant sa guérison complète, la famille vivait de ses dernières ressources et du
produit des morues salées qu'elle avait encore en magasin. Mais l'avenir était noir, et personne
ne voyait comment il pourrait s'éclaircir.
Cette détresse imminente fit bientôt prendre un nouveau cours aux méditations d'Erik.
Pendant deux ou trois jours, le bonheur d'avoir sauvé la vie à maaster Hersebom c'était bien
son dévouement passionné qui en avait l'honneur suffit à occuper sa pensée. Comme
n'aurait-il pas été fier, quand il voyait le regard de dame Katrina ou celui de Vanda s'arrêter
sur lui, tout humide de reconnaissance, comme pour lui dire :
« Cher Erik, le père t'avait sauvé des eaux ; mais tu l'as ton tour, arraché à la mort !& »
Certes, c'était la plus haute récompense qu'il pût souhaiter pour l'abnégation dont il avait
fait preuve en se condamnant à la vie de pêcheur. Se dire qu'il avait en quelque sorte rendu à
sa famille d'adoption tous ses bienfaits à la fois, quelle pensée plus fortifiante et plus douce.
Mais cette famille, qui avait si généreusement partent avec lui les fruits de son travail, se
trouvait maintenant à la veille de n'avoir plus de pain. Fallait-il rester un fardeau pour elle ?
N'était-ce pas plutôt le devoir de tout tenter pour lui venir en aide ?
Erik avait nettement conscience de cette obligation. C'est seulement sur le moyen qu'il
hésitait, tantôt songeant à aller à Bergen s'engager comme matelot, tantôt rêvant de quelque
autre moyen de se rendre immédiatement utile. Un jour, il s'ouvrit de ses doutes avec M.
Malarius, qui écouta ses raisons, les approuva, mais il récria sur le projet de partir en qualité
de matelot.
Je comprenais, tout en le déplorant, lui dit-il, que tu fusses résigné à rester ici pour
partager la vie de tes parents d'adoption ! Je ne comprendrais pas que tu allasses te condamner
loin d'eux à une profession sans avenir, quand le docteur Schwaryencrona s'offre à t'ouvrir
une carrière libérale ! Réfléchis, mon cher enfant, avant de prendre une telle décision !
Ce que M. Malarius ne disait pas, c'est qu'il avait déjà écrit à Stockholm pour mettre le
docteur au courant de la situation, telle que le cyclone du 3 mars venait de la faire pour la
famille d'Erik. Il ne fut donc pas surpris en revenant, à trois jours de là, une lettre qu'il alla
immédiatement communiquer aux Hersebom. Elle était ainsi conçue :
Stockholm, le 17 mars.
Mon cher Malarius,
Je te remercie cordialement de m'avoir fait connaître les désastreuses conséquences qu'a
eues pour le digne maaster Hersebom l'ouragan du 3 courant. Je suis heureux et fier
d'apprendre qu'Erik s'est conduit dans ces circonstances comme toujours, en brave garçon et
en fils dévoué. Tu trouveras ci-joint un billet de cinq cents kroners que je te prie de lui
remettre de ma part. Dis-lui que, s'il n'a pas assez pour acheter à Bergen la meilleure barque
de pêche qu'il soit possible de se procurer, il me le fera savoir sans délai. Il donnera à cette
barque le nom de Cynthia puis il l'offrira à maaster Hersebom en souvenir filial. Cela fait, si
Erik veut m'en croire, il reviendra me rejoindre à Stockholm et reprendre ses études. Sa place
est toujours libre à mon foyer ; et, s'il faut un motif pour le décider à y rentrer, j'ajoute que j'ai
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maintenant les données certaines et l'espoir de pénétrer le mystère de sa naissance. Crois-moi
toujours, mon cher Malarius, ton ami sincère et dévoué,
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